Caractère:

son cœur bat comme celui d'un oiseau qui meurt. il fane un peu plus chaque fois que fond sur lui un regard inquisiteur et réducteur. il est secoué d'une pulsation lancinante lorsqu'il sent l'obligation de croire aux discours moralisateurs du monde qui fourmille autour de lui. tout est de sa faute. chacun de ses mots lui pèse comme des pierres pèsent sur la poitrine d'un noyé. son regard souriant, son regard fuyant, son sourire réservé, son sourire boudeur. à entendre le monde, tout est prétexte à la débauche, tout est lubrique. un geste de la main, une vague pour salutation interprétée telle une invitation. alors que son souhait le plus cher, celui qui tourmente les nuits d'insomnies ou la faiblesse qu'il se tue à dissimuler ressurgit, est à des lieues tout ce que l'on pourrait imaginer lorsque l'on voit poindre dans son dos deux ailes d'un noir de nuit sans lune. on ne s'arrête qu'à un mot autour duquel on brode et le reste n'est que superflu : incube.

son cœur bat comme celui d'un oiseau qui meurt. il a le sexe en horreur. penser aux plaisirs de la chair fait remonter son estomac aux bords de ses pâles lèvres. il n'en dit rien. trop absurde, contre nature pour un monstre de son espèce. enfant chrysalide, il s'enveloppe de tissus comme d'une armure, comme d'un rempart. il gante toujours ses mains, ne laisse que très peu respirer sa peau. non pas pour se protéger, pas lui. eux. les autres. de la décadence qu'entraîne son simple contact. des regard empreints d'une folie bestiale quand du bout du doigt il frôle leur épiderme. il se dégoûte de faire d'eux des personnes qu'ils ne sont pas et de leur faire faire un acte qu'ils peuvent tellement regretter.

son cœur bat comme celui d'un oiseau qui meurt. et pourtant il est si doux. il y a une tendre bonté dans son regard, de la malice parsemée à l'intérieur de chacun de ses éclats de rire. il y a de la bienveillance lorsqu'il souffle son inquiétude. il y a une touchante maladresse lorsqu'il déambule dans les rues de Paris. tapis au fond de lui sommeille l'espoir doux-amer d'un avenir meilleur pour lui. pour les demis. pour tous.

son cœur bat comme celui d'un oiseau qui meurt. il ne veut pas s'apitoyer. il ne s'apitoie pas. il leur prouvera. que sa nature ne définit pas qui il est. qu'il a du bon à apporter à ce monde et pas qu'une version personnifiée et ambulante de la débauche. il renonce à l'amour, il renonce à la chair. car son souhait, il le sait, relève de l'impossible. alors cette existence que l'on a pensé vaine il lui a trouvé un sens. il sauvera des vies. il pansera des plaies. il sera une épaule sur qui pleurer. un ami avec lequel rire. ni plus ni moins.

son cœur palpite tendrement.

Histoire:

   avant Paris il y a eu l'Irlande. il y a eu cette enfance banale pour quelqu'un de son espèce. des regards appuyés, des moqueries qui résonnaient dans son esprit et qu'il s'évertuait à faire taire jusqu'à ce qu'elle ne lui importe plus, finalement.

avant Paris il y a eu cette fille. cette fille et ses longs cheveux cuivrés qui caressait le creux de ses reins. cette fille qu'il n'a pas pu repousser de peur de la blesser lorsqu'elle s'est abattue sur lui. il n'a suffit que d'un frôlement pour lui faire perdre la tête. il a eu peur de la bousculer, de toucher sa peau blafarde, de forcer, de faire fleurir sur sa peau des hématomes bleutés pour la repousser. il s'est tu. a attendu que la tempête ne passe, comme spectateur hors de son propre corps. il s'en est terriblement voulu. voulu de l'avoir poussée à faire ça rien qu'en existant. aux yeux des hommes il n'est qu'un monstre. aux yeux des siens il est bien souvent anormal. il a souffert mais a ravalé ses larmes avec sa fierté d'homme. un homme qui pleure c'est disgracieux. un homme ne peut se faire violer, pas un incube qui plus est. il l'avait forcément chercher.

avant Paris il y avait eu la médecine. la seule chose qui l'anime désormais. il s'est concentré, n'a rien fait d'autre qu'étudier. il voulait être utile, que sa vie ne soit pas qu'un gâchis d'oxygène. bien qu'être celui ayant le plus bûché de toute sa promotion, il n'obtient pas son diplôme en siégeant en haut du classement. mais peu lui importe.

maintenant il y a Paris. il y a sa place en tant que médecin affecté au Commando. qui sait. peut-être que sa vie ne débute qu'à Paris.